TémoignageRaïssa Maistrenko

Raïssa Maistrenko raconte l’un des pires massacres de la Seconde Guerre mondiale

Alors que l’Ukraine va commémorer cette semaine les 75 ans du massacre de Babi Yar. Raïssa Maistrenko, survivante, raconte l’un des pires massacres de la Seconde Guerre mondiale, où près de 34 000 juifs ont été tués par balles par les nazis, aidés par des miliciens ukrainiens au ravin de Babi Yar.

« Nous avons été rassemblés ici et envoyés vers « le chemin de la mort » », raconte Raïssa Maistrenko, à l’époque elle avait que trois ans. Elle pointe du doigt un vallon recouvert de gazon à Kiev (Ukraine), théâtre il y a 75 ans de l’un des pires massacres de la Seconde Guerre mondiale.

Tous les juifs obligés de se rassembler

Les Allemands, qui ont occupé Kiev le 19 septembre 1941, avaient alors diffusé des affiches en ukrainien ordonnant « à tous les juifs » de « se rassembler le 29 septembre vers 8 heures du matin au croisement des rues Melnik et Dokterivska » avec leurs papiers d’identité, de l’argent et des vêtements chauds. « Celui qui désobéira à cet ordre sera fusillé », prévenait le texte, perçu à Kiev comme l’annonce d’une déportation.

Éliminées à la mitrailleuse au bord du ravin

Des dizaines de milliers de personnes venues avec leurs affaires, pour l’essentiel des vieillards, femmes et enfants, ont alors été sauvagement éliminées à la mitrailleuse au bord du ravin.

« Tous les juifs avaient décidé d’y aller car ils pensaient qu’ils seraient évacués en train car la station de chemin de fer se trouvait non loin. Personne ne pouvait imaginer qu’il allait y avoir une exécution de masse », raconte Raïssa.

Son père avait été enrôlé dans l’armée soviétique et elle vivait avec sa mère dans l’appartement de ses grands-parents paternels, des Ukrainiens non juifs. À l’annonce du rassemblement à Babi Yar, le grand-père essaie de convaincre la partie juive de la famille de ne pas s’y rendre, promettant de les cacher. En vain.

« Je suis Russe ! »

Le grand-père maternel, Meer, préfère suivre les consignes et rassemble la famille, dont Raïssa et sa mère Tsilia, pour se rendre vers le ravin. La grand-mère paternelle, ukrainienne, de Raïssa veut alors accompagner sa petite-fille. Elle lui sauvera la vie.

Lorsque des tirs retentissent non loin du ravin, la grand-mère comprend qu’il ne s’agit pas d’une évacuation mais bien d’exécutions sommaires. Elle agrippe sa petite-fille et se met à crier : « Je suis Russe ! » Elles fuient en courant la zone et s’en sortent malgré les tirs des soldats.

« On entendait des tirs derrière nous mais ma grand-mère a continué à courir aussi longtemps qu’elle a pu avant de s’arrêter, épuisée, au milieu des tombes du cimetière avoisinant », raconte Raïssa. Pendant ce temps, 18 membres de sa famille, dont sa mère, périssent à Babi Yar.

La grand-mère et sa petite-fille restent là jusqu’au coucher du soleil puis rentrent de nuit chez elle. Personne ne les dénonce. « Il y avait deux grandes maisons dans notre cour avec des familles multinationales, mais toutes étaient très amicales les unes envers les autres », se rappelle Raïssa Maistrenko.

Jusqu’à 100 000 morts

L’Ukraine va commémorer cette semaine les 75 ans du massacre de Babi Yar en présence notamment du président israélien, Reuven Rivlin. « C’est impossible d’oublier de telles choses », résume cette dame aujourd’hui âgée de 78 ans et qui dirige encore une compagnie de danse pour enfants.

Le site de Babi Yar a été jusqu’en 1943 le théâtre d’exécutions massives : jusqu’à 100 000 personnes y ont été tuées, parmi lesquelles des juifs, des Tziganes, des combattants de la Résistance et des prisonniers de guerre soviétiques. Le carnage des 29 et 30 septembre 1941 a été révélé lors des grands procès de Nuremberg (sud de l’Allemagne), mais l’URSS, dont l’Ukraine faisait partie, a toujours cherché à minimiser le drame pour ne pas avoir à admettre que les victimes étaient juives. Pendant des décennies, les rassemblements de commémoration furent interdits dans le ravin.

Un monument construit à Babi Yar en 1976 est consacré aux « citoyens et prisonniers de guerre soviétiques », sans aucune mention des victimes juives. En 1991, un mois après la chute de l’URSS, la communauté juive érigea non loin de là une sculpture en forme de ménorah, le chandelier juif à sept branches.

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